Déc / 19
La cour criminelle du Vaucluse a condamné ce jeudi 19 décembre Dominique Pelicot à 20 ans de réclusion criminelle tandis que les 50 autres accusés ont écopé de peines souvent inférieures aux réquisitions. Présents sur place dès tôt ce matin, les collectifs féministes espèrent que le procès Mazan, qui a brisé les tabous autour du patriarcat et du consentement, va enfin conduire nos décideurs politiques à changer la définition du viol dans le code pénal.
Viols de Mazan : une réponse pénale décevante
C’est dans un climat extrêmement tendu que les dernières heures du procès des viols de Mazan se sont déroulées ce jeudi matin à Avignon. Près de 180 médias accrédités, dont 86 médias étrangers, étaient sur place pour couvrir le verdict. Sur les 51 condamnés, 41 vont immédiatement en détention (dont les 18 déjà en prison), trois font l’objet d’un mandat de dépôt différé et les six derniers restent libres, en attendant leur passage devant le juge d’application des peines. En dehors du principal accusé Dominique Pelicot (ndlr : poursuivi pour avoir drogué, violé et fait violer son épouse, Gisèle Pelicot, par 50 hommes) qui a été condamné à 20 ans de réclusion criminelle, les peines, allant de 3 à 15 ans, sont toutes largement en dessous des réquisitions du ministère public. « On a des violeurs en série, des criminels en série, et il y en a ce soir qui rentrent chez eux tranquilles, ils vont pouvoir passer Noël en famille », a déclaré la militante Blandine Deverlanges du Collectif Les Amazones d’Avignon. « Honte à la justice ! Justice complice ! », a crié la foule pendant de longues minutes. Dans un communiqué, La Fondation des femmes exprime « incompréhension » et « déception », affirmant que « le combat contre l’impunité ne fait que commencer ». Que dire ensuite des déclarations de Me Bruschi, avocat de Joseph C., condamné à trois ans de prison pour agressions sexuelles et qui ressort libre après avoir effectué de la détention provisoire. Jubilant, il s’est permis de provoqué des militantes, les qualifiant de « tricoteuses, d’« hystériques » et de « mal-embouchées ». Une scène surréaliste.
À sa sortie du tribunal, Gisèle Pelicot a parlé d’ « une épreuve très difficile ». Elevée au rang d’icône tout au long de ces quatre mois d’audience, la septuagénaire a exprimé sa « gratitude la plus profonde » à toutes les personnes qui l’ont soutenue, ajoutant : « Je pense aussi à toutes les autres familles touchées par ce drame et les victimes non reconnues dont les histoires demeurent dans l’ombre. J’ai voulu en ouvrant les portes de ce procès le 2 septembre dernier que la société puisse se saisir des débats qui s’y sont tenus. J’ai confiance à présent en notre capacité à saisir collectivement un avenir dans lequel chacun, femme et homme, puissent vivre en harmonie dans le respect et la compréhension mutuelle ». Interrogée sur les peines données, Gisèle Pelicot a répondu qu’elle « respecte » la décision de la cour. Un membre de la famille avait indiqué plus tôt que les trois enfants du couple Pelicot, David, Caroline et Florian, étaient eux « déçus » des peines « basses ». Massée devant le tribunal, la foule n’a pas cessé de chanter jusqu’à 14h, scandant l’hymne Debout les femmes, avec pour meneuses les désormais célèbres membres de la chorale locale Le Chant des Déferlantes. Toutes espèrent que le procès Mazan va enfin faire avancer la justice française sur l’absence de notion de consentement dans la définition légale du viol, à la différence d’autres pays comme l’Espagne ou la Suède qui ont déjà légiféré dessus. Fin septembre, le ministre de la Justice démissionnaire Didier Migaud s’était dit favorable à l’inscription du consentement dans le code pénal. Pour rappel, les 63 organisations de la Coalition féministe pour une loi cadre intégrale contre les violences sexuelles ont rendu publiques pas moins de 140 propositions le 21 novembre dernier. Il y a urgence.
Florian Dacheux