<span class=Une journée au colloque d’ACHAC : Sexualité, colonisation et immigration Enjeux et héritage.">

Mar / 03

Une journée au colloque d’ACHAC : Sexualité, colonisation et immigration Enjeux et héritage.

By / akim /

Une journée au colloque d’ACHAC : Sexualité, colonisation et immigration Enjeux et héritage.

Dans le sillage de la sortie du beau livre éponyme et polémique, se tenait au Musée National de l’Histoire de l’Immigration, un colloque organisé par le groupe ACHAC (collectif d’historiens et de chercheurs travaillant sur les thématiques coloniales et post-coloniales). Les coordinateurs de ce projet, ainsi qu’un panel de 23 chercheurs y ont exposé et débattu toute la journée la genèse du livre, et des thématiques découlant de cette histoire coloniale, sous le prisme de la domination des corps.

Cinq tables rondes, toutes animées par un chercheur autour de cinq intervenants, ont permis à l’auditoire de découvrir ou d’approfondir les champs de recherche sur lesquels travaille le panel. Qu’il s’agisse de la construction de la hiérarchisation de la beauté, ou des stéréotypes raciaux et sexuels à travers les siècles, il ressort sans grande surprise que l’image que portent les personnes aujourd’hui issues de ces territoires anciennement colonisés, a été savamment construite, pour légitimer la mise en place d’un système commercial impérialiste aussi ambitieux que ce que furent les traites et ensuite la colonisation.
«On a construit l’hypersexualisation des femmes, notamment les mulâtresses, pendant l’esclavage, et les viols furent documentés dès le XVIIème siècle», explique Arlette Gauthier, historienne et professeure à l’université de Bretagne occidentale.

Des dizaines de milliers de photos auxquelles les auteurs de l’ouvrage ont eu accès pour mettre sur pied ce projet de livre et d’exposition, il ressort également la banalisation du dévoilement physique des sujets coloniaux. La construction d’un imaginaire érotique lié à ces zones géographique a induit la disparition du verrou moral qui empêchait, envers des personnes blanches, un rapport aussi décomplexé sur le plan de ce qui est exposable et ce qui ne l’est pas. En effet, nombre de cartes postales et autre images du quotidien telles que celles prises dans les Zoos Humains, démontrent à quel point le corps de ces autres n’avait que peu de valeur dans le sens où leur humanité et leur degré d’évolution étaient questionnées et considérés inférieurs.

Par ailleurs, Nicolas Bancel, historien et professeur à l’université de Lausanne, a largement insisté sur le développement des sciences de classification animales et humaines, comme l’anthropométrie, la craniométrie, qui ont permis de donner une caution scientifique et morale à l’entreprise coloniale. «Tout cela a eu des conséquences sur la perception de la sexualité humaine, celle des Blancs relevant du raffinement, alors que celle des Noirs relèverait du pulsionnel, de l’animal» explique l’historien.

D’autres tables rondes ont abordé des événements plus récents dans l’histoire, comme la place du métis à travers les périodes. Pascal Blanchard a longuement explicité le rôle quasi totémique et irréel qu’on donne aux métis aujourd’hui dans le monde de la publicité, sans pour autant obtenir une vraie place dans la société. Les clichés d’hier ont fait place à leur pendant moderne, qui s’expriment également dans les arts et la presse où l’immigré reste souvent considéré comme un potentiel voleur ou violeur, ou encore le fantasme de la belle mauresque qui se transforme maintenant en fantasme de la beurette.

Les échanges passionnants n’ont pas empêché l’évocation de la violence et l’inconfort que peuvent créer ces images brutes du passé qui ressurgissent de façon condensée. Si des chercheurs se sont élevés contre la publication de l’ouvrage parce qu’il réitèrerait la violence faite aux sujets photographiés, on a longuement pu évoquer le devoir de documentation d’une réalité historique responsable de nombreux verrous qui gangrènent le vivre ensemble dans le monde.
En résumé, la journée fut riche d’information, de décryptage et de débats, sur un sujet que les universités peinent encore à aborder sereinement.

 

Bilguissa Diallo

Conclusion du colloque par Marc cheb Sun

Ce fut une journée très intense, très dense, violente aussi. Ces allers et retours en fascination et répulsion, ces voyages au cœur d’une âme humaine dégradante et dégradée -conjuguée à une politique de domination, d’exploitation et de négation d’individus et de peuples jusqu’aux rebords les plus intimes… Là où les parts d’ombre se cachent aussi.

Categories : Histoire et mémoire
akim