<span class=Tribune : ÉCOLOGIE, ta mère">

Déc / 05

Tribune : ÉCOLOGIE, ta mère

By / Marc Cheb Sun /

TRIBUNE

Écologie, ta mère

C’est une notion dont on parle peu : le racisme environnemental. Elle a une incarnation concrète, violente, ahurissante : la ville indienne de Bhopal, victime il y a 40 ans de la pire catastrophe industrielle de l’histoire. Et toujours malade, depuis, du mépris des puissants pour les plus démunis.

 

Il est près de minuit, le 2 décembre 1984, quand un gaz hyper-toxique s’échappe d’une usine américaine de pesticides implantée dans les quartiers populaires de Bhopal. Affolée, la population fuit, les gens tombent comme des mouches. Au petit matin, il y a des cadavres partout. Au total, l’accident fait 25.000 morts et 600.000 victimes.

La compagnie incriminée, Union Carbide, refuse de donner la composition du gaz – “secret industriel”. Impossible pour le corps médical de trouver un antidote. L’usine ferme, mais son terrain n’est pas dépollué, de sorte que depuis 40 ans, les déchets toxiques qui y étaient entreposés sans précaution continuent de contaminer l’eau et les sols des populations alentour.

 

Sur place, les maux deviennent chroniques : insuffisances respiratoires, dérèglements hormonaux, douleurs articulaires, troubles gynécologiques, maladies génétiques… Dans cette partie de la ville, les adultes meurent jeunes, les enfants naissent porteurs de handicaps moteurs et neurologiques. Les cancers y sont dix fois plus nombreux que dans le reste de l’Inde.

Si la tragédie avait eu lieu aux États-Unis, le terrain aurait été dépollué et les victimes auraient reçu des centaines de milliers de dollars d’indemnisation. Mais les Bhopali, atteints à vie dans leur chair et leur âme, ont dû se contenter de 500 pathétiques billets verts. Même pas de quoi payer un an de traitement. Deux poids deux mesures. La vie humaine n’a pas partout le même prix.

 

Reste la dignité. Au bout d’une dizaine d’années, les victimes se sont rendu compte que les médicaments qui leur étaient administrés, essentiellement des stéroïdes, des antibiotiques, des antidouleurs et des psychotropes, consommés en dizaines de kilogrammes, commençaient à engendrer des phénomènes de résistance ou d’accoutumance, voire à créer de nouvelles pathologies – des déficiences rénales, par exemple. Un homme, alors, eut une idée : implanter au cœur de la zone infectée un dispensaire gratuit qui utilise les apports des plantes médicinales, du yoga et de l’ayurveda. Pas de chimie, des savoirs ancestraux, un immense jardin, un espace de calme, d’écoute et de bienveillance dans la folie urbaine. Un lieu d’humanité, d’écologie et de soin. Son nom : Sambhavna, “la possibilité”.

 

Réjane d’Espirac, autrice et réalisatrice de REVIVRE, une voie holistique pour guérir de l’horreur

Sortie dès le 6 décembre 2024 sur Inexploré TV. 

Marc Cheb Sun