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Juin / 12

Théâtre engagé : nos coups de cœur du moment

By / La Rédaction /

De Paris à Avignon, zoom sur trois pièces de théâtre qui questionnent notre humanité, nos silences comme nos contradictions. Du théâtre qui nous invite à ne pas baisser les bras face à l’obscurantisme et la haine de l’autre.

Théâtre engagé : nos coups de cœur du moment

Noir de Coco : quand satire rime avec identité

Marc est noir, mais ça ne l’intéresse pas. Ce qui le passionne, c’est la France. Une France rêvée, épurée, sans immigration. Sans lui, en somme. Dans Noir de Coco, seul-en-scène satirique et sans concession, Axel Kengne campe un jeune homme militant d’extrême droite, qui s’accroche désespérément à un idéal de reconnaissance, quitte à piétiner ses propres racines. Le spectacle nous plonge dans les contradictions de Marc, entre engagement politique, rejet de soi et quête d’appartenance. Il veut prouver qu’il est « plus français que les Français ». Jusqu’au jour où tout dérape : sa communauté le rejette, son parti aussi. Et Marc est forcé de se regarder en face. 

 

Une performance entre rires grinçants et malaise salutaire

Axel Kengne écrit et incarne ce personnage avec une justesse troublante. Tour à tour drôle, cynique, bouleversant, il fait du malaise un outil scénique. On rit, parfois à contrecœur. Les scènes de meeting politique, les confidences intimes de Marc, sa première « manifestation en costume » : tout est écrit avec attention. Puis vient sa rencontre avec Ali, jeune homme noir à l’aise avec ses origines, plus attaché aux traditions africaines. Une rencontre qui agit comme un électrochoc. Là, la pièce bascule dans une autre énergie, plus poétique, plus vibrante. Elle explore la mémoire, la transmission, le corps. 

 

Un miroir tendu à notre époque

Pourquoi certaines personnes issues des minorités visibles embrassent-elles des discours politiques qui les nient ? Noir de Coco ne juge pas : il interroge. Il bouscule avec intelligence. Peut-on vraiment être assimilé sans renier son héritage ? Faut-il choisir entre l’identité et l’intégration ? En mêlant satire mordante et moments poétiques, le spectacle ouvre un espace rare : celui d’une parole complexe et nuancée. Nous qui manquons terriblement de nuance ces jours-ci.

 

Journée de Noces chez les Cromagnons : Wajdi Mouawad, célèbre metteur en scène, revient à la source

Imaginez une maison bancale, posée au milieu d’un pays en ruines. À l’intérieur, une famille libanaise s’agite comme elle peut. Un mariage se prépare… enfin, presque.

 

Une farce de famille au cœur de la guerre

Des parents crient, la lumière qui coupe sans prévenir, la guerre qui fait rage dehors, et la narcolepsie de la future mariée qui menace le bon déroulement des festivités … les éléments sont posés. Dans Journée de noces chez les Cromagnons, on ne choisit pas entre rire et pleurer. On fait les deux. C’est l’une des forces de cette pièce surprenante écrite par Wajdi Mouawad à 23 ans, et enfin mise en scène par lui-même, plus de trente ans après sa création. Dans cette comédie tragique et décalée, la tension politique et la tendresse familiale s’entremêlent dans un joyeux bazar. On s’engueule, on cuisine, on rêve, on espère. Malgré les tirs et la peur. Parce qu’il faut bien continuer à vivre.

 

Du Mouawad, dans sa langue maternelle

C’est un retour aux origines. L’auteur habitué aux grandes fresques traversées par les conflits, la mémoire et les silences familiaux, revient ici à l’origine de son théâtre. Après avoir longtemps laissé cette pièce de jeunesse dans ses tiroirs, Mouawad la met en scène pour la première fois, et le fait en arabe libanais, sa langue maternelle, avec une troupe essentiellement issue du Liban. Cette mise en scène, créée en France après l’annulation de sa programmation au Liban pour raisons politiques, devient un acte de résistance. Le plateau penche, littéralement, comme une maison prête à s’effondrer. Et pourtant, ça tient. Grâce à des comédiennes et comédiens puissants, vibrants, qui font vivre les personnages avec une énergie incroyable. Ils nous racontent cette famille, mais aussi leur propre pays, leurs propres douleurs. Avec force, humour, et une langue chargée de vérité.

 

Pourquoi il faut y aller ?

Parce que cette pièce est une tentative folle et belle de réinventer la normalité en plein chaos. Parce qu’elle est profondément humaine. Parce qu’elle nous parle d’amour, de peur, de transmission, et de cette ténacité vitale qu’ont les gens à vouloir faire la fête alors que tout s’écroule autour d’eux. Dans une époque saturée d’images et de bruits de guerre, cette fiction nous touche autrement. Par l’intime et la simplicité d’un quotidien, par ces gestes qui nous semblent dérisoires (allumer le four, préparer un gigot) et deviennent des actes de survie. En montant aujourd’hui cette pièce inclassable, Wajdi Mouawad ne fait pas que boucler une boucle personnelle : il nous rappelle que le théâtre peut encore nous faire rire … et réfléchir.

 

 

C’est Comme Ça : demain nous appartient !

Après une avant-première réussie le 10 juin, Yvan Loiseau vous attend au Théâtre Isle 80 au cœur du célèbre Festival Off d’Avignon en juillet. Ariste pluridisciplinaire, il présentera C’est comme ça, un spectacle qui parle du désir de changer le monde, pour le rendre plus beau, plus juste.

À travers des expériences interactives avec le public et mêlant son histoire intime, Yvan Loiseau tente de questionner le commun, notre humanité, et nos difficultés à vivre ensemble, ou du moins à faire ensemble. Qu’avons-nous à changer pour que le monde change ? Quelles sont les solutions réalistes pour que tout aille mieux ? Telles sont ces questionnements.

En mêlant humour, poésie brute, absurde, rage et incompréhension, cette ode à l’amour nous rappelle que demain nous appartient !

 

La plus grande table du monde

En marge de cette création, Yvan et son équipe préparent activement un événement atypique pour célébrer l’interculturalité par la cuisine. Un curieux banquet, nommé La plus grande table du monde, aura lieu le 14 septembre à Avignon, dans le même esprit que la première édition organisée à Saint-Ouen en Seine-Saint-Denis. Une table de 2 kilomètres de long sera installée autour des remparts de la ville. De très nombreuses associations locales sont associées dans la co-construction de cet événement solidaire.

 

 

 

Zaïa Khennouf, avec F.D.

La 79e édition du Festival d’Avignon sous le signe de la langue arabe

 

 

Après l’anglais en 2023 et l’espagnol en 2024, la langue arabe est la langue invitée de ce Festival d’Avignon 2025. Elle représente 30% des spectacles programmés cet été, avec des créations venues de Tunisie, de Syrie, de Palestine, du Maroc du Liban, d’Irak…

 

Douze spectacles ou événements en lien avec la langue ou la tradition arabe seront à l’affiche, en présence notamment de la Marocaine Bouchra Ouizguen, le Libanais Ali Chahrour, les Tunisiens Selma et Sofiane Ouissi, le Marocain Radouan Mriziga, la Franco-Irakienne Tamara Al-Saadi, les Palestiniens Bashar Murkus et Khulood Basel ou encore le Syrien Wael Kadour.

 

Voix majeure du monde arabe, la diva égyptienne Oum Kalthoum, disparue il y a 50 ans, sera au cœur d’une création musicale proposée par l’artiste libanais Zeid Hamdan. Elle réunira les chanteuses française Camélia Jordana et franco-algérienne Souad Massi, ainsi que le rappeur franco-algérien Danyl.

 

Une nuit de concerts, performances, lectures et projections sera également organisée en lien avec l’Institut du monde arabe basé à Paris. Débats, conférences et « cafés des idées » sont également prévus, autour par exemple de l’autrice franco-marocaine Leïla Slimani, le journaliste libanais Nabil Wakim ou encore l’auteur palestinien Elias Sanbar.

 

D’Ailleurs & D’Ici sera sur place.