Mar / 06
Le 13 mai prochain Multikulti Éditions publiera 50 sonnets pour mes 50 printemps, le nouveau recueil poétique de Souleymane Diamanka. Un ouvrage écrit pour célébrer son entrée dans la cinquantaine, une étape importante où l’on prend la mesure du chemin parcouru et de celui qui reste à tracer. Un texte qui rassemble au-delà de nos tensions actuelles. Plus qu’une sortie littéraire, c’est un rendez-vous avec le verbe, une célébration des années et des rimes qui les traversent. Une belle histoire également pleine de sens… Près de vingt ans après leur première rencontre, réunis par un texte du poète empli de densité, Souleymane Diamanka et Marc Chebsun , cofondateur de Multikulti Éditions, se retrouvent pour un projet fort, empreint de poésie et de symboles.
Souleymane Diamanka rejoint Multikulti Editions
GRAND CORPS MALADE
« Cette soirée d’octobre, c’était en 2003, et cette rencontre avec le slam est aussi pour moi ma rencontre avec Souleymane Diamanka. Il était là, dans ce bar nommé Téranga, parmi ces humains à égalité. Quand il a pris la parole, un silence intense a accompagné ses mots. J’ai alors découvert sa voix de “peul bordelais aux cordes vocales barbelées” comme il aime à se décrire lui-même. J’ai découvert sa poésie formidable, son écriture unique, d’une précision d’orfèvrerie, où les sonorités te caressent les tympans et où le sens bouscule ton esprit. »
LA GRANDE LIBRAIRIE
« Souleymane Diamanka est un véritable griot, un poète-slameur qui jongle avec les mots. Il explore une poésie orale qui est un appel à l’amour, à la tolérance et à la connaissance de l’autre. »
JOEY STARR
« Je me suis fait cueillir, il m’a ému, il y a de la sincérité, c’est humble et très vertigineux. »
En ces périodes déchirées, écouter Souleymane Diamanka ne peut que faire du bien à notre âme. Né à Dakar au Sénégal en janvier 1974 sous le nom de Dua Jaabi Jeneba, ce poète contemporain a fait des mots sa raison d’être. Sa raison de vivre. Sa raison de dire. Comme pour rendre hommage aux vieux sages d’Afrique jusqu’à son dernier souffle. Hommage à ceux-là mêmes qui pratiquent l’oralité depuis les premiers jours de l’humanité. « Je suis arrivé à Bordeaux à l’âge de 2 ans et mes parents ont toujours instauré que l’on parle peul à la maison. Ils nous faisaient écouter les cassettes des griots des villages. On a appris d’où venait notre famille, comment les Peuls sont partis de Nubie, en passant par la vallée du Nil avant d’arriver au Sénégal. J’ai beaucoup pioché là-dedans dès mon enfance pour mon écriture.»
Energie peule
Cette aisance, Dominique Boudou, poète et homme de théâtre -son instituteur en CE2 avec qui il a gardé une relation privilégiée- la remarque très tôt. Souleymane a 7 ans et joue déjà avec les mots, passant d’une langue à l’autre au rythme de quelques alexandrins et autres sonnets naissants. « C’est un peu comme si j’écrivais la langue française avec une énergie peule. Notre instituteur nous faisait lire à haute voix. Nous récitions du Prévert, de jolis mots. Je n’ai pas lâché l’écriture depuis. C’était mon refuge, un confident. » D’un pas de danse à une punchline, l’ado baigne alors dans l’univers du hip-hop émergeant en France et soigne son verbe sur les scènes de quartiers organisées à Bordeaux. Nous sommes en mars 1991. Le jeune poète, membre du groupe FGP (devenu Djangu Gandhal), fait la première partie de NTM. Ses débuts façon pro avec Hamid Ben Mahi, son ami d’enfance, désormais devenu un chorégraphe reconnu. « À ce moment-là, les rappeurs sont encore vus comme des extraterrestres. De là, on nous a proposé un concert, un second, puis un troisième, et je n’ai pas arrêté depuis. »
Union Bar
Après plusieurs collaborations avec les groupes Tribal Jam et Les Nubians, Souleymane commence à comprendre qu’il peut vivre de ses écrits. Il se lie d’amitié avec l’artiste John Banzaï, et rejoint la capitale en 2001. De métaphores en jeux de mots, sa manière de poser fait tout de suite mouche lors d’une slam session organisée à l’Union Bar, dans le quartier Ménilmontant où il rencontre Rouda et le collectif 129H, précurseurs du mouvement slam en France. « Mon style a toujours été hybride. Et ce truc-là, dire à voix haute, ça vient des contes, ma première école. Ce soir-là, j’arrête le rap et me mets réellement à la poésie parlée. » Avec John Banzaï, il écume les scènes ouvertes pendant près de cinq ans. Une époque où il rencontre Marc Chebsun (auteur et cofondateur de Multikulti Éditions) par le biais des Nubians et de la rappeuse Bams. L’année 2007 marque son entrée dans les bacs. Son premier album L’hiver Peul révèle toute la sagesse de ses voix intérieures. On se souvient encore de ce sublime Automne des blocs-notes, accompagné des chœurs de Kayna Samet. Après de nombreux séjours et rencontres en Éthiopie, au Danemark et aux États-Unis, le poète s’installe à Dakar en 2014 où il prend le temps de peaufiner son second album, Être humain autrement. Composé et réalisé avec l’artiste américain Kenny Allen, Souleymane l’enregistre au studio EARS d’Addis-Abeba.
Plume
De retour à Bordeaux en 2017, il anime des ateliers d’écriture à travers la France. Le temps de livrer de nombreux inédits dans son recueil Habitant de nulle part, originaire de partout (Points Poésie, 2021) imaginé avec l’écrivain Alain Mabanckou, rencontré sur le Festival Étonnants Voyageurs à Saint-Malo. Deux ans plus tard, suit De la plume et de l’épée (Points Poésie, 2023) où, dans la préface, Grand Corps Malade confie s’être mis au slam après avoir découvert le talent de Souleymane un soir d’octobre 2003 à Paris. Depuis peu, Souleymane est coach dans l’émission Si on lisait à voix haute sur France Télévisions. Souleymane s’est également lancé dans un seul en scène. Un One Poet Show façon stand-up qu’il entend jouer toute sa vie. « C’est plus qu’un spectacle : on y entend la voix de mon père, sa correspondance avec ma mère. C’est un rendez-vous avec moi-même et les gens auxquels je me présente. »
One poet show
Après l’avoir fait tourner en Inde (Delhi, Pondichéry, Auroville) dès 2019 puis au Festival Off d’Avignon 2023, Souleymane se produit régulièrement depuis décembre 2024, avec une toute nouvelle version du spectacle au Théâtre Le République à Paris. Un spectacle où JoeyStarr, l’ex-rappeur de NTM, est venu valider l’enfant du quartier bordelais des Aubiers. « La boucle est bouclée », sourit Souleymane. Entre temps, le 14 juillet dernier, il a eu l’honneur de porter la flamme olympique, flambeau des Jeux de Paris 2024, dans la maison de Victor Hugo, place des Vosges, à Paris. « Il écrivait debout comme moi. Lui, c’était face à la mer. Moi, c’est face à un parc », poursuit-il, ému.
50 printemps
Le 27 janvier 2024, Souleymane a soufflé ses 50 bougies. Le 13 mai, au printemps, sortira son nouveau recueil de poèmes chez Multikulti Éditions. « Techniquement, c’est le plus abouti. C’est tout ce que la poésie m’a apporté. » Tel un papillon en papier, Souleymane vole ainsi vers le vœu exaucé de Diénéba, sa maman, qui lui dit depuis tout petit : « Si quelqu’un te parle avec des flammes, répond lui avec de l’eau ». Avant de lui souffler Mbaalen he jam (dormons en paix) pour l’éternité.
© Photo Anne-Emmanuelle Thion