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Fév / 27

Retour aux sources pour les Assyro-Chaldéens

By / Oguz Aziz /

De Sarcelles, en région parisienne, à Erbil, au Kurdistan irakien, le documentaire Retour à Babylone, réalisé par Sébastien Daycard-Heid, suit le voyage d’une famille assyro-chaldéenne à la redécouverte de ses racines. On y voit notamment les sœurs Sémiramis et Agnès Ide retisser des liens avec des membres de leur communauté restés ou retournés sur place. L’histoire d’une quête d’identité et de mémoire au cœur d’une communauté chrétienne d’Orient méconnue.

Retour aux sources pour les Assyro-Chaldéens

Leurs parents ont dû quitter leur village, à l’extrémité du Sud-Est de la Turquie, à cause du conflit entre l’Etat turc et les Kurdes du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), mouvement armé indépendantiste créé en Turquie. Un conflit qui ravage toute cette région : plus de 40 000 personnes sont mortes depuis le déclenchement de la guerre en 1984 jusqu’à la fin des années 1990. Une communauté victime également du génocide perpétré par les Turcs et les Kurdes lors de la première guerre mondiale.

Le documentaire commence à Sarcelles dans le Val d’Oise, par un mariage entre de deux personnes de la communauté assyro-chaldéenne. De loin, on dirait un mariage turc ou kurde. Mais les croix et l’Eglise rappellent que nous avons affaire à une communauté chrétienne.

Retour à Babylone est avant tout un film sur la quête d’identité de la famille Ide. Agnès raconte que les Assyro-Chaldéens sont souvent confondus à des communautés orientales, comme étant des Turcs, mais quand ils se rendent en Turquie ou en Irak, ils sont perçus comme des étrangers.
Le syndrome de celles et ceux coincé·es entre deux chaises. La petite sœur, Sémiramis, journaliste, a d’ailleurs longtemps mis de côté son identité assyro-chaldéenne. Mais en grandissant, cela lui revient en pleine tête : comment se construire avec cette double culture, comment faire avec cette histoire d’exil et de violence, comment transmettre sa culture aux plus jeunes, aux enfants qui sont nés et ont grandi en France ?

Sur les routes de Mésopotamie

Retour à Babylone relate ces questionnements, qui traversent la communauté assyro-chaldéenne de France. La famille Ide se montre, se raconte, parle dans sa langue natale : le soureth, un dialecte de l’araméen, langue ancestrale parlée au temps de Jésus, aujourd’hui parlé entre 500 000 et deux millions de personnes réparties en Irak, Iran, Syrie et Sud-Est de la Turquie.

Les deux soeurs décident d’aller en Turquie, en famille. Le film dépeint ce périple familial, avec notamment le père de Sémiramis (le nom d’une légendaire reine assyrienne) et Agnès. Parfaitement turcophone, engagé politiquement, leur père a toujours voulu retourner en Turquie : il s’y est d’ailleurs rendu à plusieurs reprises. Le film est ainsi construit comme un road-movie à l’américaine : toute la famille est dans le bus, de la génération des grands-parents à celle des petits-enfants, vivant joyeusement ce voyage initiatique. 

Le film manque néanmoins de moments de tension. Le moment le plus fort est quand la famille revient dans le village natal au fin fond de la Turquie dans une région kurde : les membres de la délégation se rendent sur la tombe de leurs ancêtres. La scène est émouvante, d’autant plus qu’ils n’ont que trente minutes pour visiter la tombe. La tension est forte avec les Kurdes sur place. Partie depuis longtemps, la famille Ide revendique que ce bout de terre est aussi le leur. « Ce qu’on demande, c’est que les traces de notre présence soient préservées, que nos tombes soient respectées, ainsi que notre histoire et notre présence dans la région : on ne veut pas que notre culture disparaisse », confie Agnès.

Un film à voir pour mieux comprendre la complexité de cette région du monde. L’avant-première du documentaire a été organisée en janvier dernier à Sarcelles. Venus en nombre, les gens de la communauté assyro-chaldéenne auraient voulu que le film (52 minutes) dure plus longtemps. Certains jeunes ont demandé s’ils pouvaient effectuer le même voyage. Malgré ses défauts, le film a comme renoué un fil et offert un espoir. Oui, il est possible de retourner sur la terre de ses ancêtres pour apprendre son histoire.

 

Aziz Oguz

Prochaine projection :

Le vendredi 7 mars, 20h30, au Cinéma de Senlis (Oise). Rencontre avec l’équipe du film, ainsi que Mahir Guven, auteur, qui présentera son dernier roman, un hommage à Istanbul et à la richesse des identités croisées.

Oguz Aziz