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Mai / 20

Non, l’inclusion n’est pas une option

By / Florian Dacheux /

Huit équipes issues d’associations partenaires et de clubs engagés se sont affrontées, dimanche 18 mai, sur la pelouse du centre national de Clairefontaine, dans le cadre du premier Tournoi des fiertés. Une initiative de la Fédération Française de Football pour lutter contre les agissements homophobes, l’immobilisme et les nombreux tabous dans un milieu toujours viril, macho et conservateur. Coup d’épée dans l’eau ou réelle avancée ?

Non, l’inclusion n’est pas une option

La Fédération Française de Football (FFF) serait-elle enfin en phase avec son époque ? Alors que notre média vient de sortir en librairie 100% Inclusif (Multikulti Editions), un ouvrage d’enquêtes et de reportages préfacé par le champion du monde Lilian Thuram, voici que la FFF vient d’organiser dimanche 18 mai son tout premier tournoi des fiertés sur les terrains de Clairefontaine (Yvelines), l’antre nationale de la préformation.

Propulsée dans le cadre de la journée mondiale contre l’homophobie, la transphobie et la biphobie, cette journée, parrainée par Olivier Rouyer, premier ancien joueur professionnel français a avoir fait son coming out en 2008, a rassemblé huit équipes mixtes, à l’instar de Marseille United Sport pour tous.tes (deux équipes), PanamPride FC, RC Chambéry, Les Quartiers parlent à la République (deux équipes) et le FC Paris Arc en Ciel et Chemin des Cimes. Le tout en présence de la ministre des Sports Marie Barsacq. « Le football doit être un jeu pratiqué par toutes et tous, a rappelé en ouverture le président de la 3F Philippe Diallo. Et c’est précisément parce qu’il rassemble, parce qu’il suscite des émotions incomparables, parce qu’il fédère des millions de personnes, qu’il a une responsabilité immense. Une responsabilité sociale, éducative, citoyenne. Une responsabilité de faire front contre toutes les formes de discriminations. Et parmi elles, l’homophobie et plus largement toutes les LGBTphobies. Le football doit être un lieu de liberté, d’émancipation, de fierté. » Une prise de position qui a ravi Olivier Rouyer : « C’est la première fois que j’entends un président de fédération sportive s’exprimer ainsi sur la lutte LGBT. J’ai vraiment le sentiment que l’on va dans la bonne direction. Ce tournoi symbolise le changement. »

Ouverture

Ce changement passe avant tout par des mesures. Depuis deux ans, on observe en effet une plus grande ouverture de la FFF sur ces sujets afin de combattre les réflexes de rejet en hausse selon plusieurs indicateurs. Depuis la mise en place du plan d’engagement en octobre 2023 et l’arrivée d’Amel Bouzoura comme directrice, plusieurs dispositifs sont développés. Outre la création d’un comité de lutte envers les violences sexistes et sexuelles et les discriminations, la 3F a édité un guide contre les violences et les discriminations, dont un chapitre est consacré aux LGBT phobies. Autre mesure : la mise en place d’un dispositif de signalement et un numéro pour agir rapidement en cas d’urgence, ainsi qu’un plan de formation et de sensibilisation à destination des licenciés et des éducateurs (plus de 2000 clubs engagés). Des associations partenaires telles que Foot Ensemble, la Fondaction pour un Sport Inclusif, SOS Homophobie animent en ce sens des ateliers pour libérer la parole et casser les codes. Des centres de formation français sont également de plus en plus nombreux à accueillir chaque saison des ateliers de lutte contre l’homophobie. Passé par le centre de formation de Toulouse entre 2002 et 2007, et auteur de la série documentaire Adieu ma honte, Ouissem Belgacem multiplie les interventions. « Le sport, et singulièrement le foot, doit être une activité qui doit rassembler quelque soit sa couleur de peau, son origine et son orientation sexuelle, rappelle pour sa part Matias Ott, président délégué de la DILCRAH. Quand on est sur un terrain, on doit balayer toutes les différences et on doit pouvoir lutter contre toutes les discriminations, en tapant dans un ballon aussi. »

« En n’agissant pas, c’est une façon d’encourager ou de banaliser »

On pourrait s’en féliciter. Pourtant, le boulot reste immense. Samedi soir dernier, Mustapha Mohamed, attaquant du FC Nantes, a refusé de jouer à l’occasion de la journée de lutte contre l’homophobie. Troisième année de suite qu’il fait faux bond. A Lyon, Nemanja Matic a quant à lui jouer avec un sparadrap recouvrant un drapeau LGBT. Profiteraient-ils d’une culture de l’impunité ? Selon Julien Pontes, porte-parole du collectif Rouge Direct interrogé dans les colonnes de Ouest France, il n’en fait aucun doute : « Il n’y a jamais de sanctions à la hauteur de ce problème. La Ligue de Football Professionnel envoie ainsi le signal qu’on peut être ouvertement homophobe. En n’agissant pas, c’est une façon d’encourager ou de banaliser ce genre de refus ».

Heureusement, d’autres joueurs s’élèvent contre ce phénomène, à commencer par Jonathan Clauss qui regrette, dans L’Equipe, que « l’homophobie soit encore un sujet de discorde. » Le Niçois ne comprend pas que « la vie des autres nous affecte alors qu’elle ne nous regarde pas », ajoutant : « J’aimerais que l’annonce du coming out d’un joueur n’ait aucun impact, que ce soit positif ou négatif, sur son vestiaire, mais je pense que je ne serai plus là pour le voir. » Au tour de Jonas, entraineur et joueur au Paris Arc-en-ciel FC (plus gros club LGBT de France et le seul affilié à la FFF), de rebondir au micro d’Ici Paris Ile-de-France : « ll faut que des joueurs, des stars internationales se positionnent et montent au créneau, comme ils peuvent le faire pour le racisme. Il ne faut pas que ce tournoi soit un trompe-l’œil et se dire qu’on a tout réglé. Le jour où nos clubs arrêteront d’exister, c’est qu’on aura gagné le combat. » Conscient que le chemin est encore long, Philippe Diallo a essayé de rassurer en ce sens les acteurs mobilisés : « Notre engagement est quotidien, ferme et de longue durée. Nous devons continuer d’agir et renforcer nos actions. L’inclusion n’est pas une option, c’est une nécessité ».

 

Florian Dacheux

© Verbatims Philippe Diallo, Olivier Rouyer, Matias Ott : FFF.FR


Plateforme de signalement du football : Jalerte.fff.fr

Florian Dacheux