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Juil / 31
Nous les avions rencontrés la première fois dans le cadre de nos ateliers journalisme sur l’inclusion par le sport. Basé à Paris Xe, Cage Projets n’en finit plus de surprendre pour motiver les siens à se mobiliser encore et toujours contre toute forme de discrimination. Karamoko Diakabi et Salim Niakaté reviennent d’un périple à vélo. Un défi pas comme les autres pour mettre en lumière des habitants et acteurs sociaux du territoire, et ce au hasard des rencontres.
Marseille-Paris à vélo pour déconstruire les préjugés
Tout est parti du mariage de leur ami Sadio programmé à Marseille. La seconde partie de la cérémonie avait lieu à Paris et Karamako Diakabi, fondateur de Cage Projets, se met en tête de rentrer à vélo. « En fait, l’été dernier, alors que nous étions en pleine dissolution de l’Assemblée Nationale, j’ai fait Paris-Lille à vélo. J’ai cassé mon téléphone et j’ai dû communiquer avec des gens pour m’indiquer le chemin. J’avais adoré toutes les rencontres. Du coup, on s’est dit pourquoi pas faire Marseille-Paris à vélo sous une forme associative. » Jusqu’au dernier moment, le projet a failli ne pas se faire. Karamako Diakabi et Salim Niakaté sont finalement montés en scelle jeudi 17 juillet.

Avec une moyenne de 125 kilomètres quotidiens, ils ont parcouru plus de 900 kilomètres en six jours, de quoi faire pâlir les coureurs professionnels du Tour de France engagés au moment même sur la Grande Boucle. « C’est un pur hasard que notre défi tombe en même temps, confie Karamako. Tout s’est fait sur un coup de tête. Le vélo, en termes de dépassement de soi, de travail mental, c’est énorme. On remercie Chelsea Cresson et Melissa Lechea qui nous ont suivis en voiture pour gérer les temps de pause, les ravitaillements, les crevaisons, les réservations de locations. Il a fallu gérer la fatigue et les imprévus. On a dépassé le budget mais ça valait le coup. »
Soutenu par le Fonds de Participation des Habitants (FPH) à hauteur de 1000 euros, le duo a dû financer ce challenge avec les fonds propres de l’association et via une cagnotte en ligne lancée peu de temps avant leur départ. Pour ces sportifs confirmés, l’objectif n’était pas de battre un record mais plutôt d’impulser une démarche globale pour interroger nos rapports sociaux à l’heure où les discours de haine et l’extrême-droitisation du monde s’amplifient de jour en jour. À chaque étape, ils sont allés à la rencontre d’habitants et d’acteurs sociaux pour échanger, partager leurs expériences, et découvrir des initiatives locales inspirantes. « On a choisi volontairement de nous rendre dans des petites villes. La plus grosse qu’on ait faite, c’est Valence. Pas mal de rencontres ont confirmé le contexte actuel. Beaucoup d’associations nous ont parlé des coupes budgétaires auxquelles elles font face. »
Après un échange dans un bus à Marseille avec un homme qui leur confie avoir rencontré la mère de ses enfants lors d’un Paris-Athènes à vélo, Karamako et Salim n’étaient pas au bout de leur surprise. Citons cette rencontre avec un ancien directeur d’association spécialisée en krav-maga qui a dû stopper son activité faute de subvention. « On faisait une pause et on voit son camion de vente de paëlla. Il nous a parlé de son association qu’il a géré pendant 9 ans. A l’arrivée, le maire lui a dit que ce sport créait de la graine de délinquance. » Direction ensuite Prémery, près de Nevers, où un Franco-Brésilien témoigne de ses difficultés à s’intégrer et faire valoir ses compétences pour enseigner le jujitsu brésilien. « Les gens doutaient de ses diplômes. Cela lui a pris deux ans pour réussir à nouer des contacts avec des gens qui ne souhaitent pas sortir de leur routine. Dans le même village, on a découvert un centre social très intéressant qui travaille avec la jeunesse pour essayer d’ouvrir les esprits. Mais tout ce qui est nouveau fait peur. C’est une réalité qui a raisonné dans chaque ville où nous sommes passés. On reste dans ce que l’on connait et on a peur de l’autre. » Ils se souviendront également de cette femme merveilleuse qui récupère des chevaux abandonnés et maltraités. Ou encore de ce vieil homme interloqué par leur itinéraire, voire inquiet pour eux à l’approche de la montée de deux cols routiers (col de Pavezin et col de la Croix du Ban) situés dans les monts du Lyonnais. « On lui a demandé si on pouvait dormir chez lui si on n’y arrivait pas à gravir ces cols. Ils nous ont dit oui. Donc on reste quand même très surpris par l’accueil des gens. Cela déconstruit les préjugés que l’on peut avoir les uns sur les autres. Deux Noirs à vélo, dans ces régions, c’est très rare. On n’en a pas croisé beaucoup, voire aucun. »
Fondée en 2021 dans le Xe arrondissement de Paris en réponse à la fermeture de l’AJAM, historique structure de proximité, l’association Cage Projets s’est notamment fait connaître à travers la pratique d’activités sportives innovantes à destination des femmes victimes de violence, à l’image de la boxe-yoga, une discipline qui allie le corps et l’esprit. Lauréate de la Fondation de France et soutenue par le CIDFF, l’association a dû finalement abandonner ce projet repris par une structure nationale disposant de moyens financiers supérieurs. « On ne s’attendait pas à ça. Cela a été très dur pour nous à encaisser. On a compris que le monde associatif n’était pas le monde des bisounours. Cela nous a impacté psychologiquement. On a décidé ensuite de mettre ce projet en pause. » Cage Projets continue tant bien que mal à se montrer active dans la capitale, avec des cours proposés gratuitement en boxe féminine, bachata, théâtre et danse classique. L’association intervient régulièrement à la Prison de la Santé ainsi qu’au SAPEJJ, un dispositif de l’Aide Sociale à l’Enfance, sans oublier des formations aux métiers de l’audiovisuel en partenariat avec Belleville Citoyenne.
En parcourant ainsi les routes de l’hexagone, les membres de Cage Projets ont démontré leur détermination sans faille à franchir les obstacles de notre société. De cette aventure intense, suivront la production et la diffusion d’un documentaire. « Malgré l’atmosphère nauséabonde en France et le fait que c’est de plus en plus dur pour les structures socioculturelles, on tient bon pour continuer à agir pour le bien commun. On veut se servir de cette belle énergie collective et cet esprit de solidarité qui nous entoure. Avec de la volonté, on peut déplacer des montagnes… ou traverser la France à vélo. »
Florian Dacheux
La cagnotte en ligne pour les soutenir :
D’Ailleurs & D’Ici – Paris Xe :
Décembre 2024 : stage de journalisme à Paris Xe – dailleursetdici.news
Décembre 2023 – Stage journalisme à Paris Xe – dailleursetdici.news
Décembre 2022 – L’inclusion par le sport avec des jeunes de Paris Xe – dailleursetdici.news
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