Mai / 06
Nichée au dernier étage du Centre Pompidou à Paris, l’exposition Paris Noir retrace la présence et l’influence des artistes noirs en France entre les années 1950 et 2000. De la création de la revue Présence Africaine à celle de Revue noire, cette rétrospective inédite met en lumière jusqu’au 30 juin plus de 150 artistes afro-descendants dont les œuvres ont rarement été montrées en France. Une histoire capitale. Une occasion, aussi, de repenser l’histoire de l’art.
L’influence des artistes noirs : une histoire capitale
Fascinante et engagée, cette exposition, à la fois historique dans son intention et immersive par sa forme, propose une plongée unique dans le Paris de la création et des rencontres. Alors que ces artistes se croisaient, s’influençaient et créaient une véritable dynamique sans frontières, la capitale était devenue l’écrin et la ville où tout était possible. La ville qui permettait le rayonnement. Un véritable voyage à travers le temps, la géographie et l’histoire, pour avancer vers une réparation des mémoires et la réhabilitation de ces artistes noirs sur la scène de l’art.
Une scénographie immersive
Paris Noir se veut une mise en lumière de ces artistes noirs et ultramarins qui ont contribué à la richesse du patrimoine culturel mondial. Elle regroupe, sur 2000 mètres carrés, plus de 300 œuvres et documents d’artistes venant d’Afrique, des États-Unis, des Outre-Mer et d’ailleurs, dont plusieurs sont présentés au public pour la première fois. L’une des forces de cette exposition réside dans sa scénographie audacieuse, qui joue avec les espaces du Centre Pompidou tout en donnant un rythme et un flow particulier. La visite s’articule autour de la « Matrice Glissant », référence au célèbre historien, qui, par sa forme sinueuse, évoque les circulations de l’art et les réseaux d’artistes qui se sont formés dans la capitale française.
Des figures engagées
Une grande place est également accordée aux artistes afro-américains qui ont trouvé à Paris un terrain fertile pour l’expression de leur identité. Des noms comme James Baldwin, Malcolm X ou Jean-Michel Basquiat sont évoqués, témoignant de l’effervescence culturelle de la ville qui était devenue un refuge et un lieu de rencontre pour des artistes noirs venus du monde entier. Des artistes résolument ancrés dans leur époque et décidés pour beaucoup à jouer un rôle dans l’histoire. Le mouvement des droits civiques, la décolonisation, le racisme : tant de sujets, entre autres, dont ces artistes se sont saisis, se sont nourris, dans une Ville Lumière devenue terreau propice à la création. Vous vous confronterez à des œuvres engagées et des vidéos d’époque, témoignant de l’engagement de ces derniers pour la justice sociale.
Une volonté forte de diversification des collections
Ce projet s’inscrit également dans la politique renouvelée du Centre Pompidou qui, à l’image de nombreux musées en Europe, cherche à diversifier ses collections et à offrir une plus grande visibilité aux artistes noirs et ultramarins. Depuis plusieurs années, le Centre Pompidou a intensifié ses efforts pour acquérir des œuvres d’artistes noirs, avec l’ajout de près de 40 nouvelles œuvres dans ses collections permanentes, permettant ainsi de rééquilibrer une histoire de l’art trop eurocentrée.
Ce réajustement est d’autant plus important dans un contexte de réaffirmation des identités culturelles et d’exploration de l’histoire coloniale. Il s’agit de réécrire l’histoire de l’art mondial pour inclure des voix trop longtemps marginalisées.
N’est-ce pas là une façon de décoloniser le musée et de renouer le lien avec les œuvres issues des artistes engagés de la négritude, des indépendances, des féminismes noirs, des panafricanismes, et de la lutte contre le racisme ? Alicia Knock, co-commissaire de l’exposition, est décidée à faire bouger les lignes : « Nous attendons, avec Paris Noir, une prise de conscience patrimoniale, intellectuelle et politique ».
Un voyage à ne pas manquer
Paris Noir n’est pas simplement une exposition : c’est une invitation à réexaminer l’histoire de la ville lumière sous un autre prisme. Elle nous rappelle que Paris n’a pas seulement été le terreau de l’art occidental, mais également celui d’un art nouveau, pluriel, marqué par la diversité et la rencontre de cultures. C’est une célébration du dialogue des arts.
Cette exposition, c’est aussi l’opportunité d’être le témoin privilégié de la future transformation du Centre Pompidou et de ses collections. Un événement immanquable.
Zaïa Khennouf
En savoir plus ?
Paris noir – Circulations artistiques et luttes anticoloniales, 1950 – 2000 – Centre Pompidou