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Oct / 24

Les langues et cultures créoles à l’honneur

By / La Rédaction /

Les langues et cultures créoles à l’honneur

Alors que la mobilisation contre la vie chère se poursuit aux Antilles, le Mois Kréyol est de retour depuis le 4 octobre, en hexagone avec des escales à Paris et en Ile-de-France, Roubaix, Strasbourg, Nantes, La Rochelle, Toulouse, Bordeaux, Marseille, et en janvier 2025 en Guyane, Martinique et Guadeloupe. Demandez le programme de la 8e édition d’un festival dédié aux langues et cultures créoles !

Devenu un rendez-vous incontournable de toutes les cultures créoles, dans et au-delà de leurs frontières géographiques, le Festival Mois Kréyol est de retour ! « Malgré les tempêtes, notre engagement et notre détermination sont plus que jamais présents, affirme Chantal Loïal, chorégraphe et directrice artistique de la Compagnie Dife Kako. Notre volonté à faire la promotion des artistes Outre-Atlantique, réunir artistes et associations culturelles autour d’un temps fort convivial, généreux, inventif et revendicatif est et restera le socle de ce festival. »

Pour cette 8e édition, le festival rend hommage à Maryse Condé, écrivaine renommée et marraine du festival, et met en lumière la Guadeloupe et les rythmes des percussions du Gwoka, réputé pour accompagner les moments de rencontres tels que certains rituels aux défunts, les manifestations politiques ou sociales et les carnavals. « Plusieurs milliers de personnes le pratiquent assidûment chaque semaine dans les écoles et les associations de danses et de musique, précise Chantal Loïal. Nous observons que ses danses aux tambours résonnent partout des Antilles à Haïti, en passant par l’océan Indien. Nous le retrouvons même au Japon. »

 

Depuis le 4 octobre et ce jusqu’au 25 novembre, le public est ainsi convié à découvrir de nombreux artistes talentueux au cœur d’une programmation plus que jamais pluridisciplinaire. Le 8 novembre, à la Médiathèque de Annie Erneaux à Villetaneuse, on retrouvera les danseurs de la Cie Boukousou qui proposera un concert à la fois enraciné dans la tradition du Gwoka rural et ouvert à ses déclinaisons urbaines voire modernes. Max Diakok déclinera une équipe qui honore tous les rythmes du Gwoka ainsi que la musique de véyé (accompagnée de banjogita). « Nous serons embarqués par les musiciens Julien Coriatt, Arnaud Dolmen, Roger Raspail, Christine Salem, mais aussi avec les musiciens de la Cie Difé Kako, la chanteuse Ymelda Marie-Louise », ajoute Chantal Loïal. La plus martiniquaise des chanteuses d’Haïti sera en effet le 2 novembre à Pantin. A son tour, la chercheuse Marie-Hélena Laumuno présentera le 9 novembre à la Librairie Calypso, à Paris XIVe, son ouvrage et ses réflexions sur le Gwoka, ses représentations et son impact historique et culturel. Le même jour, il faudra être du côté de Paris XIIIe, à la médiathèque Jean Pierre Melville où le film Gwoka la Linèsko, jou mèkrèdi lasa du réalisateur Philippe Mugerin sera projeté, suivi d’une table ronde. Autre table ronde ? Direction la Maison de la vie associative d’Arles où Rolaphton Mercure, auteur haïtien, sera l’invité d’honneur d’une table ronde intitulée « De la créolisation à l’écrit » le 30 octobre. Du côté de Toulouse, un stage de chant de bouladjel se tiendra dans la Salle des fêtes de Limayrac. Le bouladjel, c’est quoi ? Une expression musicale traditionnelle unique à la Guadeloupe qui consiste en une superposition polyrythmique de vocalisations percussives (bruits de gorge sur onomatopées et halètements) et de battements de mains réalisée par un groupe de personnes pour accompagner certains chants traditionnels.

 

 

Le lendemain, le 31 octobre, rendez-vous au jardin Compans-Caffarelli de la ville rose, départ d’une balade mémorielle. Celle-ci permettra au public d’appréhender l’histoire de l’esclavage avec un nouveau regard. Le public sera guidé par l’historien Jean-Louis Donnadieu et le médiateur culturel David Crochet à travers la ville pour évoquer les histoires qui se cachent derrière certains monuments toulousains au son du bouladjèl. Direction ensuite Marseille le 12 novembre où la Friche Belle de Mai accueillera Identité hybride, une performance en temps réel qui utilise les nouvelles technologies comme outil de création pour une musique hors normes autour d’une improvisation libre, fusionnant les traditions et les valeurs culturelles africaines avec les avancées technologiques et les formes d’expressions contemporaines, notamment la musique électronique et expérimentale. Le 16 novembre, à Nantes, rendez-vous au Château des Ducs de Bretagne pour une balade, en français et en créole, ponctuée d’impromptus où la langue créole vous entraîne dans un voyage culturel et immersif. Enfin, biguines, mazurkas, quadrilles, rythmeront le bal de Difé Kako le 23 novembre à Boissy-Saint-Léger. Inspirés par les créations de la compagnie entre danses traditionnelles et danses actuelles, les danseurs de Difé Kako ainsi que les musiciens invités guideront le public…

CALENDRIER

Paris & Île-de-France : jusqu’au 25 novembre
Grand Est & ses environs : jusqu’au 14 novembre
La Rochelle : du 25 oct. au 18 novembre
Arles & Marseille : les 30 oct. et 12 novembre
Toulouse : du 3 au 24 novembre
Nantes : du 14 au 18 novembre
Bordeaux : jusqu’au 23 novembre

Antilles – Guyane : dès janvier 2025

 

La 8e édition du Mois Kreyol – Festival Mois Kréyol

Discrimination linguistique : le cas des langues créoles 

 

Organisé dans le cadre du Kréyol International Film Festival (KIFF) et du Mois Kreyol, un colloque sur le thème de la discrimination linguistique et les langues créoles s’est tenu le 23 octobre à l’Assemblée nationale. Un sujet d’importance qui vise à explorer les défis et opportunités liés à l’intégration et à la valorisation des langues créoles dans les systèmes éducatifs et les médias. La conférence a rassemblé plusieurs spécialistes originaires de Martinique, Guadeloupe, La Réunion et Haïti.

 

Plusieurs langues créoles, à base majoritairement française et anglaise, se sont développées au 16e siècle dans les colonies françaises et anglaises. Aujourd’hui, la population créolophone à base française représenterait environ 10 millions de locuteurs (7 millions en Haïti, 600 000 à l’île Maurice, 600 000 à La Réunion, 650 000 à la Martinique et à la Guadeloupe.) Dans ces pays et départements dits ultramarins, il existe une pluralité linguistique qui participe à la construction identitaire des habitants. 

 

Selon Eric Amiens, journaliste à RFI, « c’est au début du développement de la radio aux Antilles en 1937 que le créole est utilisé pour la première fois dans les médias à des fins publicitaires ». Par exemple, la marque Oncle Ben’s est une des premières à utiliser la langue créole aux Antilles pour en faire la promotion : « Di ri Oncle Ben’s, i bon pou fè kourbouyon » (le riz Oncle Ben’s est bon pour faire le court-bouillon). Cependant dans les familles créolophones, il n’est pas rare que les parents interdisent à leurs enfants de parler créole afin à priori « de mieux parler français ». Aujourd’hui, dans le cadre de l’école inclusive, il est recommandé aux enseignants de prendre en compte la singularité des élèves de la maternelle au lycée. Par souci d’équité, il est donc important de ne pas faire preuve de glottophobie (idéologie du langage qui n’accepte qu’une forme correcte, considérée supérieure) afin que tous les élèves aient les mêmes chances d’apprendre. « Utiliser ces langues maternelles pour faires des mathématiques ou du sport par exemple », explique Nadia Vingadessin, docteur en sociolinguistique.

 

La valorisation du créole se fait également par le cinéma, notamment à travers la création du Kréyol International Film Festival (KIFF) par Alexia de Saint John’s. Ces manifestations culturelles et l’inclusion des langues créoles à l’école permettent non seulement de valoriser et de pérenniser ces langues et cultures mais aussi d’aider chaque locuteur créolophone à construire son identité et à respecter sa singularité.

 

Malgré ces mises en avant linguistico-culturelles, le tribunal administratif a annulé le 3 octobre dernier la délibération de l’Assemblée de Martinique du 25 mai 2023 reconnaissant la langue créole comme langue officielle de la Martinique. Replaçant ainsi le créole comme une langue régionale de l’ile. Porteuse d’une mémoire collective forte, la langue créole martiniquaise est une langue pourtant bien vivante. Selon l’Insee, plus de 70% des Martiniquais pratiquent quotidiennement la langue créole chez eux, au travail ou entre amis.

 

Cynthia Augustin