Handicap: l’ascenseur est bloqué… Oui mais lequel?

Août / 31

Handicap: l’ascenseur est bloqué… Oui mais lequel?

By / Cynthia Augustin /

Handicap

L’ascenseur est en panne… Oui, mais lequel ?

En avril 2022, un grand bailleur social parisien décide de faire des travaux d’ascenseur qui dureront au minimum 4 mois.
Les locataires ont été prévenus et des services mis en place pour pallier au manque d’ascenseur dans cet immeuble de 9 étages par une affiche dans le hall de l’immeuble ainsi qu’un mot dans la boîte aux lettres quelques semaines avant le début des travaux. Parmi eux, moi-même, Cynthia, formatrice de français langue étrangère, une femme en situation de handicap.

Je découvre alors les conditions de réservation et d’usage de service de portage. Ce service propose aux personnes qui ne peuvent ni monter ni descendre les escaliers d’être portées par d’autres personnes sur une chaise médicalisée (comme peuvent le faire les pompiers ou les ambulanciers). Les conditions de réservation imposent de prévenir 48h à l’avance pour pouvoir monter ou descendre de chez soi. Le service fonctionne de 6h du matin à 22h.

 

Ces conditions ne correspondent pas à mes besoins. Surtout, la façon de me porter sur mon fauteuil roulant est très dangereuse et non conforme à la réglementation. Je contacte naïvement ma gérante. Après insistance, celle-ci me fixe un rdv dans des locaux non accessibles en fauteuil roulant ! Une fois la salle de réunion accessible enfin trouvée, la gérante me fait comprendre qu’il va « falloir faire » avec ce service pendant les 23 prochaines semaines de travaux car, selon elle, il n’y a pas d’autre solution. Je n’ai donc plus le droit de sortir librement, d’oublier d’acheter du pain, d’avoir une envie de prendre l’air ni même de travailler !  Mes sorties sont conditionnées et restreintes sous prétexte que je suis différente. Commence alors un combat pour faire valoir mes droits, mais surtout pour le respect de ma singularité. Je constate, une fois de plus à mes dépens, que nous vivons dans un environnement voire une culture qui stigmatise les personnes se déplaçant en fauteuil roulant notamment. Le postulat de départ serait que mes déplacements ne doivent pas être fréquents et qu’il serait facile de réorganiser ma vie au pied levé durant plusieurs mois. Or, ce n’est pas parce que je me déplace en fauteuil roulant que je ne sors de chez moi que de façon hyper organisée à l’avance et à des horaires précises. Comme tous les autres, les personnes en fauteuil roulant n’ont pas toutes la même vie ! Deux personnes dites valides n’ont pas les mêmes besoins, ni les mêmes vies tout simplement !

Un plafond de verre surplombe le ciel de France !

Être handicapée physique depuis ma naissance m’a permis de développer un caractère bien affirmé du fait des différentes épreuves physiques et sociales subies depuis mon enfance. A l’hôpital, à l’école, dans la rue, il n’est jamais évident d’être différent. Et ce problème d’ascenseur n’a fait que remettre à l’ordre du jour un autre problème d’ascenseur. Celui de l’ascenseur social et du plafond de verre auquel j’ai été confrontée une dizaine d’années auparavant. Lorsque j’ai, pleine d’espoir et en toute confiance, cherché du travail… Fièrement dotée de mon 2e Master en RH, j’ai postulé, déposé mes CV dans les salons spécialisés mais rien n’y a fait. Résultat : je ne trouverai jamais de travail dans ce domaine… Ce bailleur social qui décide sans honte et sans état d’âme d’être discriminant et d’enfreindre la loi (article 6 de la loi du 6 juillet 1989 et de l’article 1719 du Code civil: « le propriétaire doit assurer au locataire une jouissance paisible du bien loué pendant toute la durée du bail »), rappelle le plafond de verre qui surplombe le ciel de France.

 

En effet, une partie non négligeable de la population est sous traitée pour ne pas dire maltraitée. 12 millions de personnes en situation de handicap sont soit négligées, soit considérées comme n’ayant pas de singularité, pour ne pas dire de personnalité et in fine de valeur. Pourtant à partir du moment où le mot « handicap » est lâché, bien souvent dans notre pays les personnes n’ont qu’une question à la bouche: « Mais qu’est-ce qui t’es arrivé? » avec un regard faussement gêné. Et la personne concernée se retrouve à devoir rassurer son interlocuteur pour ne pas dire se justifier auprès de lui… Bien que l’un des deux ascenseurs soit à nouveau en service, l’arrêt de l’autre semble s’être transformé en CDI renouvelable…

 

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Cynthia Augustin