Groove et engagement avec Ben Harper à Vienne">
Juil / 07
Actuellement en tournée, Ben Harper était de passage à Jazz à Vienne dimanche 6 juillet. Le public du Théâtre Antique était ravi d’accueillir cet anticonformiste au folk-blues militant et multicolore qui a toujours entretenu une relation toute particulière avec la France, première terre d’accueil de sa musique en Europe. Un artiste qui, dès son premier album Welcome to the Cruel Word en 1994, prenait déjà position contre les violences policières, citait Maya Angelou, Martin Luther King et Rodney King, et demandait une juste égalité des chances pour les Noirs américains. Un artiste toujours debout qui ne cache pas son inimitié à l’égard de Donald Trump, ni son indignation face au racisme qui gangrène nos sociétés. Toujours soucieux du monde que nous allons laisser.
Groove et engagement avec Ben Harper à Vienne
Précédé par le concert brut et sincère des bluesmen Barefoot Iano et Mister Mat, duo complice des Moutain Men, Ben Harper a fait son grand retour sur la scène du mythique Théâtre Antique de Vienne, à guichets fermés. Entouré des Innocent Criminals, groupe avec lequel il reste étroitement lié depuis ses débuts il y a près de 35 ans, Ben Harper a livré un concert rempli d’humanité, mêlant ses influences amérindiennes, hawaïennes et blues du Vieux Sud, entre rock énergique et ballades folk. Autant vous dire que ses fans l’attendaient avec impatience, appréciant de réentendre Diamonds on the Inside, Give a man a home, ou encore le célèbre Better Way à travers lequel le chanteur de 55 ans rappelle l’importance de faire valoir ses droits. Nos droits de rêver.
Réinventer le monde
Malgré les années qui filent, ce fils d’un luthier afro-américain au sang cherokee n’a rien perdu de son talent hors norme, lui qui passait le plus clair de son temps, enfant, dans le Folk Music Center, boutique d’instruments de musique tenue par ses grands-parents maternels à Claremont en Californie. Pas moins de trois Weissenborn, son instrument de prédilection, l’accompagnaient dimanche soir, au plus grand plaisir des amoureux de cette guitare à manche creux sans frette qui se joue comme une guitare slide. Dans les mains de Ben Harper, posée sur ses genoux, celle-ci prend une tout autre envergure. Un second langage d’une pureté inouïe, déployé les trente premières minutes du show. Envoûtant. Sa manière à lui de mélanger groove et engagement avec sobriété et intensité. À l’image de Bloodline Maintenance, son dernier opus soul inspiré par l’univers de Marvin Gaye où le chanteur y évoque la menace nucléaire, les inégalités ou encore la mémoire de l’esclavage avec le très bon We need to talk about it. Pour rappel, nous sommes en 1971 quand Marvin Gaye signe What’s going on, préoccupé par la guerre au Vietnam et les injustices raciales et sociales aux États-Unis. Nous voici en 2025 et les soubresauts du moment, de Gaza à Goma, de Trump à Poutine, ne sont clairement pas de nature à nous rassurer. Conscient que ce monde fonctionne de travers, Ben Harper a malgré tout un don particulier pour partager son enthousiasme et sa force d’âme. Pour preuve, lors du rappel spontané réclamé par le public viennois, le voici qui remonte sur scène pour un chœur a capella avec ses musiciens, au bon souvenir de son amour du gospel. Il enchaînera par un prodigieux Amen Omen. On repart de Vienne avec l’espoir de réinventer le monde. Ensemble. En chantant, comme dit Ben, ce en quoi l’on croit. Quoi qu’il arrive.
Florian Dacheux
Photos de Une : © Adam Keely et Florian Dacheux
Retrouvez Ben Harper en concert le 12 juillet pour Jazz à Juan-les-Pins, le 24 juillet pour Jazz in Marciac, et le 25 juillet au Festival de Carcassonne.