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Mar / 09

8 mars : une convergence des luttes en marche

By / Florian Dacheux /

Des centaines de milliers de personnes ont défilé dans des villes du monde entier ce samedi 8 mars pour marquer la Journée internationale des droits des femmes. Nous étions en direct d’Avignon, théâtre du récent procès des viols de Mazan au cours duquel Gisèle Pélicot est devenu un véritable symbole mondial. Partout en France, de nombreuses personnes ont manifesté avec son ombre. Face aux discours masculinistes amplifiés par la montée de l’extrême droite, le féminisme semble s’affirmer comme le point de convergence de nos luttes.

8 mars : une convergence des luttes en marche

Avec pas moins de 150 rassemblements et manifestations prévues, ce 8 mars était particulièrement attendu dans un contexte de fortes tensions politiques. La veille, dans la capitale, plusieurs milliers de personnes avaient rejoint la marche féminine radicale du 7 mars après la levée de l’interdiction suite à un référé de la Ligue des Droits de l’Homme et du Collectif d’Action Judiciaire. Un revers pour le ministre de l’Intérieur Bruno Retailleau et le préfet de police de Paris Laurent Nunez. Organisée depuis plusieurs années par l’Assemblée féministe Paris-Banlieue et d’autres collectifs, cette manifestation pacifique n’avait pas l’intention de faire dans la demi-mesure. Elancé en direction de l’Hôtel de ville, le cortège a affiché la couleur d’entrée de jeu. Les deux banderoles de tête clamaient « une autodétermination totale des corps, des identités, des peuples », pour la première, et « gloire aux résistantes palestiniennes » pour la seconde. Dans un rapport publié le 6 mars, même l’ONU l’affirme : « près d’un pays sur quatre témoigne de régressions sur l’égalité de genre ». Le rapport évoque un « affaiblissement des institutions démocratiques », qui « s’est accompagné d’un recul de l’égalité entre les hommes et les femmes » du Brésil à la Russie. La nouvelle élection de Donald Trump n’a rien arrangé. Pire, ses chargés de communication Elon Musk (patron de X) et Mark Zuckerberg (patron de Meta) ont décidé de supprimer le fact-checking sur leurs réseaux sociaux, invoquant une liberté d’expression menacée par un moralisme woke. Un conservatisme qui revient toujours au galop lorsque les avancées féministes font trop de bruit… En France, le Défenseur des droits vient de pointer du doigt les nombreuses difficultés rencontrées par les femmes victimes de violences sexistes et sexuelles, tout au long de leurs démarches de signalement et de plainte. Principaux points chauds : la reconnaissance du harcèlement sexuel au travail et les défaillances dans la prise en charge des victimes en commissariats et en gendarmerie.

Collectif Les Rési-Liantes, samedi 8 mars 2025, Avignon © Florian Dacheux
Collectif Les Rési-Liantes, samedi 8 mars 2025, Avignon © Florian Dacheux
« Droits des femmes, même combat, voilées ou pas »

En dehors des grandes métropoles, une ville faisait figure d’exception en matière de mobilisation : Avignon. Ici même où s’est déroulé le procès des viols de Mazan de septembre à décembre dernier, et dont l’impact a dépassé les frontières de la France. Quatre mois au cours desquels les collectifs féministes, queer et antiracistes locaux n’ont cessé de s’agrandir et de s’unir en marge d’une affaire qui aura eu le mérite de pointer du doigt au combien notre société souffre de la toxicité du pouvoir masculin. Sur place, Gisèle Pélicot, désignée « femme la plus influente de 2025 » par le quotidien britannique The Independent, est devenue plus qu’une icône. Ce n’était pourtant pas gagné d’avance dans un département fortement aliéné par les idées d’extrême droite au point de les convertir dans les urnes… Consciente que le combat ne fait que commencer dans cette guerre culturelle face aux discours masculinistes de fachos frustrés, une vague violette a déferlé dans les rues étroites du centre-ville. Avant de converger au pied du Palais des Papes, ces collectifs ont surtout réussi leur pari de réunir tout type de femmes. Ensemble, elles sont venues briser le silence. « Droits des femmes, même combat, voilées ou pas. En mini-jupe ou en hijab, entendez nos voix », ont-elles scandé, des paillètes sur les joues, le tout sur fond de quelques airs des Destiny’s Child, Aya Nakamura, France Gall et autres Jain.

« Lutter contre l’invisibilité, surtout ici en Vaucluse »

Si on regrette le manque de revendications antivalidistes, la présence des Rési-liantes est un bon signe en termes de « faire ensemble ». Né il y a à peine un mois, ce collectif entend aider les femmes dans la défense de leurs droits, en particulier en cas de discrimination raciale ou religieuse. « Je suis entrée chez Nous Toutes et je trouvais que nous n’étions pas assez nombreuses en tant que femmes racisées et musulmanes », témoigne Sabah Boutahar, la fondatrice. Juriste, elle est très heureuse de cette première action commune. « Je tiens à préciser que ce n’est pas un collectif communautaire. On souhaite inclure tout le monde. Notre logo est divisé en deux pour faire écho à la résilience universelle des femmes et aux liens que nous voulons faire avec des personnes qui ne nous ressemblent pas. S’ouvrir, créer des ponts, lutter contre l’invisibilité, surtout ici en Vaucluse. On lutte contre le racisme. » Ce racisme ordinaire que Sabah et les siens vivent au quotidien. « Très souvent, on n’a pas accès à une formation, un emploi, un loisir à cause du voile. On veut même nous interdire le sport. Il est temps d’accompagner les victimes, de sensibiliser les gens qu’ils ont le droit de vivre une citoyenneté active. Il s’agit aussi de convaincre les gens d’aller voter. » Une convergence des luttes naissante dont se réjouissent le collectif Nous Toutes 84 et leurs collègues de la chorale Le Chant des Déferlantes de plus en plus populaire, passée d’une dizaine à une centaine de membres le temps d’un automne et d’un hiver. « On a trouvé l’initiative merveilleuse et nous les avons accueillis à bras ouvert. On a essayé mais on ne voulait pas être dans une forme d’oppression. On avait conscience d’être qu’entre femmes blanches. Elles faisaient part d’une forme de peur et de crainte. C’est tout à fait légitime. Pour nous, ce n’est pas le voile qui fait la féministe. Je ne vois pas pourquoi on devrait s’agiter sur ça. Venez à la chorale. On y répète en minorité de genre, sans homme cis. Safe zone ! » 

 

Misogynoir

Autre signe positif ? La présence d’une pancarte a interrogé quelques un.e.s. Celle-ci mentionnait le terme de misogynoir, un an et demi après la programmation de Carte Noire Nommée Désir au Festival In de la pièce de Rébecca Chaillon qui traite de cette discrimination méconnue qui touche les femmes noires. Une discrimination née à travers l’inconscient colonial français et son cortège de clichés exotisants et érotisants qui enferment les corps des femmes noires. « Cette pancarte était là pour interpeller, confronter les féminismes, ces allié.es qui nous expliquent que tout le monde n’en est pas encore à l ‘intersectionnalité. Que dans les quartiers populaires, en milieu rural, ce n’est pas la priorité », a posté Essé Messan quelques jours plus tard sur son compte Instagram. Organisatrice de projets au sein du collectif Les Voix Éclairées et éducatrice populaire politique intersectionnelle, Essé agit beaucoup sur la santé mentale à travers sa conférence gesticulée « Faut qu’ça sorte! ». « Nos voix comptent, poursuit Essé. Nos luttes méritent d’être vues. Parce qu’on n’est plus là pour ménager les sensibilités des dominant.es. On connait les discours qui minimisent nos réalités. Chaque fois qu’on nous demande d’attendre, de nuancer, c’est une manière de dire : votre souffrance peut encore attendre. »

Ailleurs dans le monde… 

Toutes et tous n’en oublient pas pour autant les autres régions du monde où les sociétés patriarcales dictent leur loi. Pensées aux Afghanes, aux Soudanaises, aux Congolaises et à toutes les femmes muselées. En Iran, la dissidente Narges Mohammadi, Prix Nobel de la Paix, s’est dit persuadée que les femmes allaient renverser le système islamique en Iran. « Les femmes se sont soulevées contre la République islamique de telle manière que le régime n’a plus le pouvoir de les réprimer », a indiqué samedi la militante dans une vidéo postée sur les réseaux sociaux. En Europe, également, des dizaines de milliers de personnes se sont rassemblées, comme à Madrid en Espagne ou à Rome en Italie. À Istanbul, en Turquie, le rassemblement dans le quartier de Kadikoy a été marqué par des discours forts en faveur d’un changement sociétal. De nombreux manifestants ont critiqué le gouvernement turc qui a déclaré 2025 « Année de la famille » pour mieux confiner davantage les femmes dans les rôles traditionnels du mariage et de la maternité.

 

Florian Dacheux

Florian Dacheux