Jan / 06
Analyse - Baromètre 2017 du fait religieux en entreprise
L’institut Randstad et l’Observatoire du fait Religieux en entreprise (OFFE) ont communiqué les résultats de la cinquième étude sur la présence du fait religieux en entreprise. L’étude porte sur une cible de cadres et managers : 1093 répondants ont répondu au questionnaire. Depuis maintenant 5 ans, l’institut Randstad et l’OFEE nous permettent d’avoir un baromètre descriptif. A première vue, «L’enquête 2017 confirme la banalisation du fait religieux en entreprise. Elle donne aussi à voir une certaine stabilité du phénomène par rapport à l’édition précédente. D’ailleurs et d’ici vous propose une synthèse des résultats de cette édition.
L’expression du fait religieux se traduit par de nombreuses formes qui se rassemblent en deux catégories : la première concerne les demandes et pratiques personnelles, incluant les demandes d’absence pour fête religieuse, l’aménagement du temps de travail, le port de signes et la pratique de prières pendant les pauses. La seconde se traduit par «des manifestations qui perturbent et/ou remettent en cause l’organisation du travail, ou transgressent des règles légales». Elle inclut par exemple les refus de travailler avec une femme, de faire équipe avec des personnes qui ne sont pas des coreligionnaires, le refus de réaliser certaines tâches, ou des prières pendant le temps de travail.
Ainsi, les faits principalement observés en 2017 sont le port visible d’un signe (22%), la demande d’absence (18%) et la demande d’aménagement du temps de travail (12%). Le refus de collaborer avec un collègue, les demandes de ne travailler qu’avec des coreligionnaires ou de prière collective (1%) sont particulièrement minoritaires. La question est de savoir si certains faits perturbent le bon fonctionnement de l’entreprise. En l’occurrence, l’étude évoque que «le port d’un signe religieux visible par exemple, n’est pas, en soi, de nature à perturber le bon fonctionnement d’une entreprise. Il peut toutefois le devenir en cas d’interaction avec un client ou pour des raisons de sécurité ou d’hygiène.»
La loi Travail 2016 et les arrêts de la Cour de Justice de l’Union européenne (CJUE) de mars 2017 tendent à encadrer le fait religieux. Si les effets de la loi El Khomri de 2016 ne sont pas interprétables dans l’édition 2017, précisons que la loi Travail permet à l’entreprise d’inscrire un «principe de neutralité» dans son règlement intérieur. Cela signifie que l’entreprise peut édicter un règlement venant restreindre «la manifestation des convictions» de ses salariés.
Sur les quatre dernières années, l’étude a mis en évidence la hausse de faits qui nécessitent l’intervention d’un manager, passant de 24% en 2014 à 47% en 2017. Rappelons qu’une majorité des situations rencontrées (53%) ne nécessitent pas d’intervention d’un supérieur hiérarchique, d’autant que celle-ci «ne consiste pas systématiquement à résoudre des problèmes ou des conflits. Elle peut aussi prendre la forme d’une recherche de compromis ou d’une décision, acceptée par la suite par le salarié.»
Parmi les situations nécessitant l’intervention d’un supérieur hiérarchique, le pourcentage de cas bloquants voire conflictuels est à la hausse : passant de 6% en 2013 à 16% en 2017. «Ces situations sont en l’occurrence celles qui posent le plus de problèmes aux managers et qui remettent le plus en question le fonctionnement de l’équipe». Ces chiffres sont là encore à prendre avec du recul : il ne s’agit là que de 7,5% de l’ensemble des cas au total.
Les managers sont les acteurs principalement touchés par ce sujet. En effet, un sur cinq dit être «débordé» par le fait religieux. «Il s’agit de managers faisant face à des manifestations diverses et très fréquentes correspondant autant à des demandes personnelles qu’à des manifestations transgressives et de nature à perturber le fonctionnement de l’entreprise.» Enfin, les chiffres révèlent que 40% des personnes interrogées en 2016 «considéraient que l’entreprise devait s’adapter pour tenir compte des pratiques religieuses de ses équipes, elles ne sont plus que 28 % à le penser cette année.»
Par ailleurs, «41 % des personnes interrogées souhaiteraient que des dispositions concernant le fait religieux et la neutralité soient intégrées dans le règlement intérieur de leur entreprise. Bien plus, pour 3 personnes interrogées sur quatre (75 %), cette évolution du cadre légal et cette possibilité donnée aux entreprises est une bonne chose. Elles étaient pourtant 65 % à s’y opposer en 2016.» Odes appréciations parfois paradoxales : une majorité des répondants (59%) restent contre la mise en place de dispositions concernant le fait religieux dans le règlement intérieur.
En 2017, les salariés demeurent majoritairement ouverts à la pratique religieuse en entreprise malgré une légère tendance à la baisse : 73% des répondants considèrent qu’il est tout à fait acceptable de prier pendant les heures de pauses contre 75% en 2016. D’autre part, 81% des répondants considèrent qu’il est tout à fait légitime de s’absenter pour une raison liée à la religion contre 83% en 2016.
L’un des premiers contacts d’un salarié avec l’entreprise se déroule lors de l’entretien d’embauche. 22 % des répondants pensent qu’il convient de préciser à une personne visiblement pratiquante quelles sont les règles de l’entreprise en matière de pratique religieuse alors que 52% des répondants sont plutôt partagés à ce sujet.
L’étude permet d’avoir une vue sur les impacts pendant le travail et illustrent une autre tendance significativement en hausse : sur les trois dernières années, les difficultés occasionnées par la pratique religieuse, ou considérées comme telles, sont en hausse, passant de 8% en 2015 à 21% en 2017.
Enfin, 43% des répondants pensent que la pratique religieuse n’a pas d’effet sur les relations entre collègues, 24% que l’effet peut être positif. Pour 33%, la pratique religieuse peut avoir un effet négatif.